Dark Night

Dark Night

~ Chapitre 4 ~


~ Chapitre 4 ~

Chapitre 4

Le Cimetière

 

La grille grince légèrement lorsque je pénètre à l'intérieur. Comme je le pensais, tout est silencieux, et je dois être l'une des seules personnes assez folles pour oser m'aventurer dans un cimetière pendant la nuit.

 

Je ne sais pas vraiment pourquoi j'ai voulu venir ici. Pour me souvenir, pour être seule ou pour penser. Je repousse la grille pour empêcher d'autres gens de venir me déranger et je m'avance entre les rangées de tombes et de caveaux. Ce lieu funèbre a réellement quelque chose de macabre au milieu de la nuit.

 

Même sans savoir où mon frère et mes parents sont enterrés, je sais où se trouve notre caveau familial, le caveau des Blacks. Nous y allons toutes les deux semaines autrefois, pour déposer des fleurs en mémoire de nos grands-parents. Voilà deux ans qu'aucune fleur n'y a été déposé, sans personne pour penser à eux.

 

 

J'arrive devant le caveau, où je suis étonnée de trouver des petits mots et des lettres. Parmi eux se trouve ceux de Peter et Lena, ainsi que ceux des amis et collègues de mes parents. Tant d'attention pour les morts, tant d'amour dont ils ignoreront toujours l'existence.

 

Si presque toute ma famille est enterrée ici, notre caveau est certainement l'un des moins imposants de tout le cimetière, mais malgré tout l'un des plus vieux. Il paraîtrait que les Blacks vivent ici depuis la création de la ville, mais je n'y crois pas.

 

Connaissant par cœur l'endroit où l'on cache les clés, je me glisse derrière le caveau et soulève la fausse mousse, qui devient de plus en plus vraie à force du temps, pour ramasser les clés de notre caveau. Même après tout ce temps, elles sont à peine rouillées. Je replace la mousse au même endroit, comme si de rien était.

 

Je pousse la porte du caveau, grinçante, et je suis stupéfaite. A l'intérieur se trouve un bouquet de fleurs fraîchement coupées. Il a dû être déposé ici il y a très peu de temps, mais je ne comprends pas qui aurait pu savoir où se trouvait les clés. Je sais que la cachette n'est pas extrêmement géniale, mais encore faut il savoir que nous ne gardons pas les clés chez nous.

 

Peut-être que celui ou celle qui l'a déposé et encore là, dans le cimetière ? Je sors du caveau, encore perturbée et le referme. J'observe les environs, silencieuse. Je glisse les clés dans ma poche et commence à avancer vers le sud et la grille du lieu funèbre. Les allées, malgré tous mes regards scrutateurs, sont désespérément vides. Et si je vois quelqu'un, que vais-je faire ? Lui courir après ? Que vais-je lui dire ? Suis-je même certaine que cette personne sera celle qui a déposé le bouquet ?

Je me tourne vers la droite. J'ai entendu un bruit, j'en suis sûre, mais les ténèbres de l'allée L sont vides. Je me dirige dans l'obscurité, marchant entre les sépultures, faisant attention à ne pas marcher sur les pierres tombales.

 

 

J'entends à nouveau une brindille se briser sur ma gauche et en tournant la tête, j'aperçois une silhouette entre deux arbres, presque floue. Je n'arrive pas à savoir s'il s'agit d'un homme ou d'une femme, car elle porte une cape. Quand la silhouette s'aperçoit que je la regarde, elle commence à courir.

 

-Hé ! Attendez !

 

Mais elle est déjà bien trop loin.

 

 

Je commence à courir, sans savoir si j'arriverais à la rattraper. Elle court bien plus vite que moi, et, même si mes jambes ont retrouvés leur vitalité, je ne suis pas comme Lena. L'endurance et la vitesse n'ont jamais été mes plus grandes qualités.

 

En tournant sur la droite, je rejoins l'allée principale et je l'aperçois, courant vers le nord, à un peu plus de cinquante mètres. Ses pieds vont de plus en plus vite et j’accélère, essayant d'atteindre ma vitesse de pointe. Mais j'ai beau tout faire pour aller vite, la personne me distance de plus en plus.

Le bout de l'allée est proche, et il ou elle disparaît entre les ténèbres des arbres. Je continue de courir, allant jusqu'au bout de mes forces. Mais quand je rejoins l'orée de la forêt, la personne a complètement disparu. J'ai beau la chercher du regard, il n'y a nul mouvement dans la forêt.

 

-Ah, enfin...Depuis le temps que nous attendons.

 

La voix est masculine, assez grave pour que je puisse dire qu'il s'agit d'un adulte. Elle est plutôt proche, mais, cette fois-ci, j'ai le pressentiment qu'il ne me donnera pas de réponses. Je ferai mieux de partir avant que l'on ne me trouve.

 

Malheureusement, il semblerait que la seule issue, l'entrée du cimetière soit bloquée par le mystérieux homme, qui avance de plus en plus vite, à en croire le bruit de ses pas. Il ne me reste plus qu'à m'enfoncer dans la forêt en pleine nuit. Même si j'ai toujours aimé les deux, les associer à cet instant ne me paraît pas être la meilleure idée qui soit. Ça me paraît même être une très mauvaise idée, mais je n'ai pas le choix. Je suis épuisée, mais il faut que je continue de courir.

 

Reprenant courage, je commence à m'enfoncer entre les branches basse et les racines. La fatigue commence à se faire sentir dans mes jambes, et il faut que je trouve une solution de secours, un moyen pour être sûre qu'il ne me trouve pas.

 

 

Suis-je bête à ce point là ? Je suis entourée d'arbres, et quelle est la meilleure cachette si ce n'est leur feuillage ?

 

Je me dirige vers l'arbre qui m'a l'air le plus appropriée à l'escalade et m’agrippe à la première branche, avant de me hisser sur les autres. Contrairement à tout à l'heure, monter dans un arbre me fait moins peur qu'en descendre. J'atteins le feuillage de l'arbre plus rapidement que je ne le pensais. D'ici la vue est imprenable sur le sol, et je suis certaine qu'on ne me voie pas. De toute manière, mes vêtements sont trop sombres pour être vus avec la lumière lunaire.

 

L'homme, que je croyais seul, et en réalité accompagné d'une femme, d'âge adulte elle aussi, même si je n'arrive pas à savoir quels âges ils ont exactement tout les deux. Ils s'arrêtent tout deux un peu plus loin que mon arbre, et ils disparaissent de mon champ de vision, me laissant mon ouïe comme seul sens.

 

 

-Alors, c'est pour bientôt ?

 

La femme lui répond, d'une voix sèche.

 

-Oui. Ne sois pas trop pressé, il faut d'abord qu'il réussisse à la ramener jusqu'au camp.

 

Cette phrase me laisse perplexe. J'ai le sentiment de connaître ce « il » et cette « elle », et ça n'a rien de bon. Et comment ça, le camp ? Quel camp ? Je ne comprends rien à leur conversation, et pourtant, je veux continuer de les écouter.

 

Commençant à glisser, j'attrape la branche à ma gauche, légèrement au dessus de la mienne, pour ne pas tomber. J'aurais dû choisir un autre arbre, celui-ci est trop lisse.

 

D'autres personnes arrivent, vêtus tous de la même tenue : cette même cape noire cachant leur visage et leur corps qui m'empêche de les distinguer. Seule leur voix permet de les reconnaître. Ils se placent tous au même endroit, hors de mon champ de vision. Leur conversation devient de plus en plus étrange, parlant de plusieurs camps, de groupes, de secrets, et de tous un tas d'autres choses incompréhensibles.

 

 

Un hibou se pose alors sur la branche que je tiens dans la main gauche, la faisant trembler. Ma main glisse, entraînant mes jambes. Je me retrouve la tête en bas, ridicule, mais fort heureusement encore cachée par les feuilles. Je ne fais plus attention à ce que dise ces étranges personnes et tente, en vain, de me redresser. Le sang me monte à la tête, la rendant aussi lourde qu'une pierre. Mon cou peut-il se briser ? Je tends à nouveau les bras devant moi pour attraper cette fichue branche, espérant tant bien que mal y arriver. En dessous-de moi, il n'y a que le vide, et aucune branche à laquelle se rattraper. Ma seule chance de ne pas me faire avoir pas les mystérieuses personnes serait de remonter et de mieux tenir. Mais pour le moment, je ne fais pas attention à ce qu'ils disent. Je veux juste me rasseoir sur la branche et ne plus me balancer comme un singe.

 

Même le hibou se rit de moi, je le lis dans ses yeux. Il s'envole et rejoins au autre arbre, heureux de me voir tenter d'échapper à ce qui m'arrivera. Je n'ai presque aucun doute sur ce qu'ils me feront s'ils voient qu'il étaient espionnés. Vu le sujet de leur conversation, soit je ne reverrais plus jamais la lumière du jour, soit j'irais voir si les vers de terre s'amusent bien.

 

 

Je tente une dernière fois d'atteindre la branche, exténuée, et je mes jambes glissent à leur tour. Je tombe vers le sol, direction ma mort.

 

 

Peut-être que ce que dise les gens est vrai, que lorsque la mort arrive, on voie défiler sa vie devant les yeux, à grande vitesse, alors que nous sommes prêts à passer de l'autre côté. Mais moi, je ne vois rien, si ce n'est cette branche qui vient de causer ma perte.

 

Le choc me coupe la respiration, et je ferme les yeux en attendant la fin. Je ne veux pas voir leur visage, leurs expressions, ce qu'ils vont me faire. Je ne peux qu'attendre, et espérer qu'ils fassent vite.

 

Il ne se passe rien. Pas un seul bruit, pas une seule parole. Pourquoi ne font-ils rien ? J'ose soulever mes paupières. Même au milieu de la nuit, j'y vois comme en plein jour. Il n'y a personne. Pas un seul être pouvant causer ma mort. Ils ont dû partir pendant que je m'efforçais de remonter dans l'arbre.

 

Dois-je essayer de les trouver ? Je risque ma vie dans cette affaire, et je ne suis plus si sûre de vouloir comprendre quelque chose à cette histoire. De toute manière, ça ne me concerne pas, pas directement en tout cas. Je me relève, le dos encore douloureux de ma chute.

 

 

Quelqu'un arrive, en courant, et plutôt rapidement. Je plonge derrière un buisson en vitesse, espérant ne pas me faire voir. Il passe si vite que je n'arrive pas à distinguer son visage, juste sa silhouette. Moi qui pensais ne croiser personne en allant au cimetière!

 

Je n'ai plus que quelques secondes pour décider si je le suis ou pas. A quoi cela me servirait ? Je ne sais rien de ces gens, rien du tout. Et pourtant, je veux en savoir plus, encore et toujours. Un jour, je suis certaine, ma curiosité causera ma perte. Peut-être aujourd'hui, peut -être demain, mais, maintenant, je veux savoir de quoi il retourne.

 

 

Discrètement, je suis le garçon, restant à l'abri des arbres et buis qui bordent le « chemin ». Nous arrivons à la clairière, où se trouve une vingtaine de personnes, toujours couvertes de capes, en cercle.

 

 

L'homme que j'ai suivi les rejoins, et je me glisse dans l'ombre pour qu'ils ne me voient pas.

 

-Excusez mon retard.

 

Les autres tournent leur tête vers le nouvel arrivant. Étrangement, sa voix me dit quelque chose, mais je n'arrive pas à savoir de qui il s'agit.

 

-Ah te voilà enfin. Alors, dis-moi, tu la retrouvée ?

-Oui. Je ne tarderai pas à la ramener au camp.

 

Soudain, je manque de pousser un cri. Cette voix, je l'ai reconnue, comme j'avais reconnu ces yeux à l'asile.

 

 

Cette voix est celle de Thilas.

 

 

 

Cachée dans l'ombre, je n'émets pas un seul son. Je retiens ma respiration, tentant de devenir une ombre. Sous mes pieds, une brindille a craqué, alertant le groupe qu'une personne n'avait pas sa place ici. Même sans les voir, je sais qu'ils me cherchent du regard. Pour le moment, nous sommes tous immobiles, jugeant s'il faut aller voir ou pas. Mon dos ne bouge pas du tronc d'arbre derrière lequel j'ai trouvé refuge. J'ai peur. Je crois bien n'avoir jamais eu aussi peur de ma vie.

 

-Vous pensez que...

 

Celui qui a prononcé cette phrase est coupé. Ce qui suit ne me rassure en rien. L'un deux a commencé à s'avancer vers la forêt, et, même si le son me paraît loin, je sais qu'il ou elle s'approche de moi.

 

 

Mon cerveau carbure à pleine vitesse. Que faire ? Rester et espérer qu'ils arrêtent leur recherche ou partir en sachant qu'ils vont te poursuivre ? Je ne sais pas, je ne sais pas...Dans les deux cas, mes chances de survie sont faibles, et plus j'attends, plus elles baissent...

 

-C'est l'odeur d'une femelle.

 

L'odeur ? Comment ça l'odeur ? Ils me cherchent à l'aide de leur odorat ? Dans ce cas là, il n'y a aucune chance que je reste à les attendre sous l'arbre. Ils me trouveront tout de suite.

 

Il faut que j'arrive à me relever et à courir assez rapidement pour leur échapper – si j'ai une chance de pouvoir le faire. Prenant ce qui pourrait être une grande inspiration silencieuse, j'essaie de rassembler tout le courage que j'ai en moi. Il est temps pour moi d'y aller.

 

Je me lève et cours. Peu importe la fatigue, il faut que je cours. Même si je n'ai plus d'énergie, même si je suis épuisée, il faut que je mette le plus de distance entre eux et moi. Les branches me fouettent le visage, et je saute entre les racines, manquant de tomber à plusieurs reprises. Mon T-shirt s'accroche au ronces et, voulant m'en décrocher, j'en laisse un morceau sur les piques. Désolée Lena.

Je n'ose même pas regarder derrière moi pour voir où ils sont. Je sais qu'ils m'ont suivis. Il n'y aucun doute possible là-dessus. Mais je ne veux pas voir à quelle distance ils sont de moi. Je ne sais même pas où je vais. L'unique chose qui me permet d'avoir une idée de la direction, c'est le bruit. Dans le lointain, j'entends le bruit des moteurs. J'en ai déduis que j'allai vers le sud, en direction de la voie rapide.

 

 

La forêt devient moins dense autour de moi, et la luminosité augmente entre les arbres. J'approche de la civilisation. Je ne sais pas si c'est bon signe, étant donné que je les entends toujours derrière moi, mais je pourrais toujours trouver de l'aide quelque part. Au bar des frères Johns par exemple. S'il existe toujours...

 

« Allez, Morgane, cours. »

 

Je suis épuisée. Je n'ai plus aucune force. Mon seul moyen de leur échapper serait d'utiliser la ruse, ou toute autres manière d'éviter la confrontation directe avec ces gens.

 

La clameur des voitures se rapprochent. Je suis presque dans la ville. Il faudra juste que je passe au dessus du tunnel et du pont pour me retrouver dans le quartier touristique.

 

Le pont ?

 

La rivière ! Si je plonge dedans, je leur échapperais !

 

Mais je n'ai aucun moyen pour être certaine de survivre s'y je saute.

 

Derrière moi, j'entends leurs pas, si proche de moi. Il n'y a plus à hésiter. Il faut que je plonge dans l'eau, même si elle est glacée et dix mètres en-dessous de moi.

 

Je me stoppe, surplombant le vide. Je n'arrive même pas à voir l'eau. J'entends simplement son clapotis, si loin de moi. Oserais-je sauter ? Je grimpe sur la rambarde du pont, désert. Les profondeurs sont si noires...

 

Alors que j'hésite et me retourne, j'aperçois mes mystérieux poursuivants. Même de loin, j'ai l'impression qu'ils n'ont plus rien d'humain. Ils vont beaucoup trop vite, et si je n'agis pas maintenant, ils seront là dans dix secondes ou moins. Leur vitesse est beaucoup trop élevé pour un humain...

 

Et s'ils n'étaient pas humains ?

 

Morgane, tu n'as pas le temps de réfléchir ! Plonge avant qu'ils ne soient là !

 

Obéissant à mes pensées, je tends les bras et me laisse tomber en avant, fermant les yeux pour ne pas voir la rivière Henrisson devant moi...

 


24/02/2016
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