Dark Night

Dark Night

~ Chapitre 1 ~


Chapitre 1

Chapitre 1

La fin d'une vie

 

 

C'est bientôt l'été. Assise au fond de la voiture, j'observe le paysage crépusculaire défiler. Il y a peu de voitures sur l'autoroute. Les vacanciers doivent sûrement être parti dans la matinée.

 

 

A ma droite se trouve Capucine et Liam, mes deux meilleurs amis. Ils discutent de notre journée.

 

 

Aujourd'hui, c'était l'anniversaire de Peter. Il fêtait ses 16 ans, tout comme moi dans deux semaines. Pour cette occasion, nous avions décidé d'organiser une journée au DisneyWorld d'Orlando. Je nous revois en train de crier dans le roller-coaster et de dévorer une barbe à papa dans la queue d'une attraction. Ce fut une merveilleuse journée. Du genre que l'on oublie jamais.

 

 

Dans mon dos, Lena me tapote l'épaule. Je me retourne vers elle. Sa chevelure de feu éclaire son regard ambré. Elle brandit son portable et sourit.

 

 

-On peut échanger nos places? Thilas veut te parler.

 

 

Je hoche la tête et passe par-dessus le siège. Une fois assise sur la banquette arrière, j'entends Capucine et Lena rire en revoyant nos photos. A coup sûr, en me réveillant demain matin, je découvrirai mon fil d'actualité facebook rempli de photos dossiers où on me verrait déguiser en Raiponce et avec des oreilles de Minnie. Et je pourrais rire pendant encore une semaine.

 

 

Je raccroche ma ceinture et observe le visage rieur de Thilas. Il se moque de Peter. Et en le regardant moi aussi, je ne peux m'empêcher de rire. Il est recouvert d'un déguisement de Peter Pan – collants verts moulants compris – et ses cheveux châtains sont emmêlés avec les serpentins multicolores qu'on lui a lancé.

 

 

Sa moue boudeuse cache en réalité une grande joie. Il n'a pas digéré d'être obligé de se déguiser pour nous accompagner. Mais je sais qu'en vrai, il est super heureux de sa journée. Ça se lit dans ses yeux verts dorés.

 

 

Thilas se rend enfin compte que je suis là et se tourne vers moi. Comme à chaque fois que son regard doré croise le mien émeraude, je me sens gênée. Même s'il s'en doute, les autres ne savent pas que nous sommes ensemble. Voilà bientôt un semestre que nous nous retrouvons en secret le soir et nous ne savons pas comment l'annoncer aux autres.

 

 

-Alors, cette journée?

 

 

Je me doute bien qu'il connaît déjà la réponse et qu'il ne s'agit pas de la raison pour laquelle il m'a fait venir.

 

 

-C'était vraiment génial! Franchement, on devrai faire ça plus souvent!

 

 

J'entends Peter grogner.

 

 

-Tu n'es pas d'accord? lui demande-t-il.

 

 

Peter ricane. Un sourire apparaît sur son visage.

 

 

-Je suis d'accord. A une seule condition. La prochaine fois, c'est toi qui te déguise en Winnie l'Ourson.

 

 

J'imagine un instant Thilas revenir en enfance le temps d'une journée, le voir revêtir le costume jaune du petit ours. Je vois déjà sa tête : blasée, une lueur de honte mêlée à la colère dans ses yeux. Si ne serait qu'une seule personne du lycée le vois, il pourra dire adieu à sa réputation auprès des autres. Plus de Thilas beau garçon qui fait rêver toutes les jeunes filles, ni de Thilas sérieux et intelligent avec un grand avenir.

 

 

Heureusement, je ne l'obligerais jamais à faire ça. Et à voir le regard noir que lance Thilas à Peter, ce n'est pas près de se produire.

 

 

-Bizarrement, je ne t'inviterai que si tu enfiles celui de Tigrou.

 

 

Devant le sérieux que garde Thilas, Peter et moi ne pouvons nous empêcher d'éclater de rire. Il se joint à nous, et nous nous arrêtons seulement lorsque la voiture se stoppe et que les parents de Dean demande à Peter de descendre.

 

 

Nous le raccompagnons jusqu'à la port de chez lui en fanfare. En bas de son immeuble, il écoute une dernière fois "Joyeux anniversaire" avant d'être recouvert de nouveau d'une multitude de serpentins. Lena gâche même une de ses bougies spéciales événements pour l'occasion. Les étincelles volent dans le ciel puis s'éteigne avec nos applaudissements.

 

 

Nous regagnons la voiture, tout sourire. Direction le quartier résidentiel! Peter est le seul d'entre nous à vivre en appartement, seul. Il a eu quelques problèmes familiaux quand ses parents se sont divorcés.

 

 

Nous roulons quelques minutes sur le bitume avant d'atteindre notre quartier. Les maisons, presque toutes identiques se succèdent dans les allées, éclairées par la lune et les lampadaires.

 

 

Nous nous arrêtons devant une maison grise et Lena descend. Je la serre dans mes bras et la salue de la main tandis qu'elle remonte l'allée jusqu'au proche de chez elle. Quand elle sonne, son petit frère, Nathan, sort sa tignasse rousse et lui saute dans les bras. Je sourie et regagne la voiture.

 

 

-D'accord.

 

 

Je me tourne vers les parents de Liam, assis à l'avant de la voiture.

 

 

-Vous pouvez continuer sans moi, je rentrerais à pied.

 

 

Je suis Thilas dans la rue. Il ne se dirige pas vers chez lui mais vers chez moi, au nord. Il ne dit pas un mot, et je ne fais que marcher pour suivre sa silhouette élancée et athlétique. Ses cheveux noirs volent au vent. Avec son jean et son T-shirt noir, il joue avec les ombres et s'y cache aisément. Je le vois parfois disparaître entre la lumière des lampadaires. C'est dérangeant.

 

 

Soudain, il s'arrête. Il observe les alentours, vide de toute vie. Il n'y a personne dans la rue, si ce n'est nous deux, et un chat noir qui sort d'une poubelle et s'enfuit en courant.

 

 

Quand il se retourne vers moi, à peine nos regards croisés, on s'étreint. Lorsque l'on s'embrasse, ses lèvres douces et chaudes se posent sur les miennes. Il sent l'odeur du pin et de la rose. Ce parfum étrange est envoûtant. J'ai envie de rester à jamais dans ses bras, de ne jamais plus le quitter. Sa poitrine contre la mienne, j'ai peur qu'il parte.

 

 

Ses lèvres ont soudain un goût salé, et je desserre notre étreinte. Ses joues sont mouillées de larmes. Qu'est ce que ça signifie? Je passe ma main sur sa joue pour enlever ses larmes.

 

 

-Que t'arrive-t-il?

 

 

Il détourne le regard et prend quelque chose dans sa poche. C'est un paquet informe, enveloppé dans du papier journal. Il est à peine plus gros que sa main.

 

 

-Explique moi, Thilas. Je ne comprends pas...

 

 

Il baisse les yeux. C'est la première que je le vois ainsi, vulnérable et fragile, loin des lumières du lycée et des regards des autres élèves.

 

 

-Je suis désolé...Je ne le voulais pas...Je dois partir...Je n'y suis pour rien, comprends-le...Je t'en supplie...Pardonne-moi pour ce qui va arriver...Je...Je n'étais pas d'accord.

 

 

Il a l'air totalement appeuré et effrayé. Je suis perdue, je ne comprends rien à ce qu'il se passe. J'essaie de lui prendre les mains pour le rassurer, mais celles-ci tremblent. Son regard fait tout pour m'échapper.

 

 

-Je n'ai pas le choix, crois-moi. Nous n'avons plus beaucoup de temps, dit-il en vérifiant que nous soyons toujours seuls. Ils ne vont pas tarder. Ne...Pardonne-moi...Je t'aimerais toujours, Morgane.

 

 

Il me donne le paquet qu'il tenait dans la main.

 

 

-Ne t'en sépare en aucun cas. Jamais.

 

 

Encore sous le choc de l'incompréhension, je le regarde partir en courant. Alors que j'essaie de le suivre, sa silhouette disparaît définitivement entre les ombres.

 

 

Je réalise alors que mes yeux me brûlent et que mes joues sont mouillées de larmes. Mon subconscient le sait : c'est la dernière fois que je le vois. Je me laisse aller et toutes les larmes de mon corps s'échappent. J'ai l'impression d'être une fontaine. Quand je m'arrête enfin de pleurer, je suis toujours dans la ruelle. Après la tristesse, c'est la colère qui me submerge. Je donne un grand coup dans une des barrières blanches d'une coquette maison et lance l'emballage de papier journal au loin.

 

 

Je me dirige vers chez moi et m'arrête brusquement. "Ne t'en sépare en aucun cas." Je regarde le morceau de papier au sol. Thilas m'a dit de le garder. Je ne devrais pas refuser son offre. Un cadeau est un cadeau, peu importe ce qu'il représente.

 

 

Je ramasse la boule qui gît sur le trottoir et hésite à l'ouvrir. Finalement, j'attendrai d'être chez moi.

 

 

Tandis que je marche sur le trottoir, j'essaie de ne pas penser au départ de Thilas. Mes pensées sont tournées vers notre journée et nos moments de joie – comme quand nous avons mangé de la barbe à papa sous l'oeil curieux de l'objectif de l'appareil photo de Thilas. Je n'arrive pas à ne pas penser à lui. Où que je sois, il est aussi, où que je vois, il est aussi. Comment n'ai-je pas pu remarquer qu'il avait un comportement différent aujourd'hui? Il devait déjà savoir que ce serait le dernier jour où nous serions ensemble. Et pourquoi ne m’a-t-il pas dit se qu’il allait se passer ? Qui sont ceux qui vont arriver et que vont-ils faire ? Thilas avait l’air si effrayé….C’est à vous prendre la tête.

 

 

Un bruit sourd se fait entendre un peu plus loin et me sors de mes pensées négatives. Je réalise alors que cela vient de ma rue. Je me précipite dans l’allée des Ormes, alertée par ce trouble. Au loin, une voiture vient de rentrer dans un des nombreux arbres de la rue. Sans même réfléchir au secours, je me presse vers le véhicule.

 

 

A quelques mètres de la voiture, j’aperçois plusieurs personnes coincées à l’intérieur. Il faut les sortir de là et appeler les…

 

 

Je m’envole au loin, et me retrouve allongée sur l’asphalte, à moitié assommée. Ma tête heurte le sol et la violence du choc se répercute dans tout mon corps. Ma vision se floute et mes oreilles bourdonnent. Un vacarme métallique résonne près de ma tête et je réussi à entrouvrir les yeux. Pour le moment, ils mes permettent juste de voir une plaque, que je suppose métallique, d’où le bruit.

 

 

Quand ma vision redevient normale, je comprends qu’il s’agit d’une plaque d’immatriculation de la voiture. Lentement, les caractères de la plaque floridienne m’apparaissent.

 


 

 

Mes yeux s’ouvrent d’un coup. Je connais cette plaque….c’est celle de la voiture de Liam.

 

 

Je me redresse et le cri que j’avais dans la gorge y reste. Chaque mot que j’ai envie de prononcer pour injurier le monde ne veut pas sortir. Mes yeux me brûlent, je retombe au sol, la tête qui tourne. J’ai tout vu, tout est gravé dans ma mémoire.

 

 

La voiture a explosé, et sa plaque a voltigé avec moi. Nous sommes à une dizaine de mètres de la carcasse encore fumantes. Les volutes de fumées montent dans le ciel. Des habitants étonnés sortent chez eux en robe de chambre et en pyjama. Ce qu’il reste de la voiture est dispersé un peu partout sur la route.

 

 

J’ai beau ne pas vouloir me l’avouer, je le sais au fond de moi. Ils ne peuvent pas avoir survécu, ils ne peuvent pas…Les larmes me viennent, et, cette fois, je ne les retiens pas. Elles coulent sur le sol, témoignant de ma tristesse et de ma douleur atroce.

 

 

 

++++

 

 

 

Ma mère, comme tous les voisins, a été attirée par le bruit. Elle m’a vue, couchée au sol et en larmes, et m’a ramené jusqu’à la maison en me traînant. Je ne voulais pas bouger. Je ne voulais plus bouger. Je voulais juste rester là et agoniser en paix, sans personne pour déranger ma peine et mon chagrin..

 

 

Je suis désormais dans ma chambre, le regard perdu sur le mur face à mon lit. Sur celui-ci se trouve les affiches de mes groupes, chanteurs et acteurs préférés, ainsi qu’un poster gigantesque de Londres. Un peu partout sont punaisés des photos de mi et mes amis à tous les stades de ma vie. En voyant nos sourires, nos grimaces, nos blagues et tous ces moments de joies rassemblés en si peu d’espace, la nostalgie et le désespoir. Je me plaque contre le mur et ferme les yeux. Ne pas penser, maîtrise toi, ne pas penser. Je me sens si mal, si…furieuse ! Sans savoir pourquoi, j’ai envie de tout casser, de tout briser.

 

 

 

J’ai besoin que quelqu’un m’aide, que quelqu’un me dise quoi faire, me fasse penser à autre chose, me console, que quelqu’un puisse me sentir de cette affliction…

 

 

-Pourquoi tu pleures ?

 

 

Je rouvre mes yeux, que je n’avais pas vus trempés de larmes.

 

 

 

Devant se trouve mon petit frère, Dean, âgé de 10 ans. Il s’assoit par terre dans ma chambre. Notre ressemblance est frappante. Nous avons les mêmes cheveux noirs, ondulés et impossible à coiffer, les mêmes yeux verts émeraude, quoique plus clairs chez lui, le même nez fin, le même sourire sur nos lèvres roses. S’il était plus grande et plus mâture, nous croirions que nous sommes jumeaux. Mais là, je n’ai pas l’impression de ressembler à ce petit ange brun.

 

 

-Faut pas pleurer, faut rire et profiter de sa vie !

 

 

Je suis étonnée qu’il se souvienne de ça. C’est une de mes phrases fétiches, que je lui sors chaque fois qu’il pleure parce qu’il se fait mal. D’habitude, c’est moi qui le lui dit, pas l’inverse. C’est dérangeant. Je ne pleure plus, mais la tristesse est toujours présente. Mon petit frère a peut-être le pouvoir d’arrêter mes larmes, mais pas celui de me rendre le sourire.

 

 

-Va dormir, petite abeille, il est tard.

 

-D’accord la coccinelle.

 

 

 

++++

 

 

 

Je n'arrive pas à dormir. Quoi que je fasse, dès l'instant où je ferme les yeux, je revois le départ de Thilas et les débris fumants de la voiture. Mes pensées me turlupinent et s'emmêlent pour former un kaléidoscope de sentiments. Toutes mes émotions se mélangent, et je ne sais plus si je dois dormir, mourir, pleurer, crier, out démolir ou rire de ma folie intérieure.

 

 

J'observe le noir de ma chambre. Je ne sais pas quoi faire. J'allume ma lampe de chevet et me décide enfin à ouvrir le paquet de Thilas. Quand je retire le papier journal, un pincement au cœur me saisi. A l'intérieur se trouve une simple boîte rouge, sur laquelle est collée un post-it fluo. « Garde-le, et porte-le chaque seconde, il te protégera, je t'aimerais toujours. Thilas » . Sans comprendre, je soulève le couvercle et découvre un pendentif relié à une chaîne. Celui-ci représente un pentacle. Dans mon souvenir, il est censé être un des symboles de magie noire. Comment cela peut-il me protéger ?

 

 

 

Une légère fente se trouve sur le côté, et, en tirant un peu, le pendentif s'ouvre. A l'intérieur se trouve deux photos. Toutes deux me brisent le cœur. La première représente ma famille, à l'époque où mes grands-parents, mes oncles et tantes et mon cousin n'étaient pas morts. Nous serions tous à l'objectif. Je sens les larmes me monter aux yeux. Sur l'autre, c'est Thilas et moi qui apparaissons, tout sourire, une barbe à papa dans la main. C'était aujourd'hui. Comment a-t-il eu le temps de mettre la photo à l'intérieur du pendentif ? Il était vraiment en courant de tout ce qui allait se passer alors...J'essaie de ne pas y penser. Je referme le pendentif et le serre dans ma main.

 

 

Dehors, j'entends le vent souffler dans les branches des ormes qui borde la rue. J'essaie d'imaginer mon jardin en ce moment, pour essayer de détendre mes émotions. Je ferme les yeux et me concentre sur chaque détails.

 

 

Je sors de la maison. Il fait nuit et je marche sur le petit chemin de dalles de pierre qui mène jusqu'au bout de notre jardin, la forêt. Je m'arrête. Sur les côtés de l'allée, ma mère a planté des pensées et des jacinthes. Celles-ci sont en fleur et dégage une odeur agréable. Plus loin, sur la droite, se trouve notre piscine, couverte pour la nuit. Le chemin s'y arrête. Mais si on continue dans l'herbe, on tombe sur le potager. Inexplicablement, mais parents ont décidé de planter nos légumes exactement à l'endroit où se trouvait un chêne centenaire. Entre les plants de tomates et les patates se trouve ainsi les racines et le tronc du grand arbre. Derrière la piscine, nous avons aussi trois arbres fruitier : un pommier, un prunier et un cerisier. Il y a quelques mois, celui-ci était en fleur, mais désormais, le petites baies rouges pointent leur nez dans ses branches. Il ne reste plus qu'une chose dans mon jardin, qui peu importe la saison, ne change pas. C'est notre cabane secrète. Qui, en réalité, n'a rien de secret. Mes amis et moi aimons nous y réfugier après les cours. C'est comme un foyer.

 

 

Et voilà que je repense à nous. A ce que nous étions. Peu importe mes souvenirs, où les lieux auxquels je pense, ils sont toujours présents. A chaque moment de ma vie, ils étaient là, évoluant comme moi, avec leurs goûts et leurs couleurs, leurs blagues, leurs rires et leurs émotions.

 

 

Je rouvre mes paupières. J'ai entendu du bruit dans le couloir j'en suis sûre. Des pas rapides, pressés. Ma mère ouvre ma porte brusquement et me tire du lit.

 

 

-Dépêche toi. Il ne faut pas perdre de temps.

 

-Que se passe-t-il ?

 

 

Ma mère secoue la tête et continue de me tirer le bras. C'est la première fois que je la vois comme ça, et elle n'a pas l'air de vouloir m'en dire la raison. J'ai beau lui demander plusieurs fois, elle continue de secouer négativement la tête. Elle regarde à gauche et à droite comme si elle attendait quelque chose qui ne viendrait pas.

 

 

Nous passons le seuil de la porte. Ma mère continue d'avancer à grandes enjambées, comme si sa vie en dépendait mais qu'elle ne pouvait pas courir. Ses pieds claquent sur les dalles de pierre et j'essaie de suivre son allure sans trébucher.

 

 

-Va jusqu'à la cabane, et enferme-toi à l'intérieur. Je vais chercher ton frère et ton père.

 

 

Que peut-il se passer de si important pour qu'elle nous réveille tous en pleine nuit ? Et pourquoi est-t-elle venue me chercher en premier ?

 

 

Je n'ai pas le temps de lui poser toutes les questions qui me taraudent. Ma mère s'est déjà enfuie au bout de l'allée, et je n'ai plus d'autres solutions que d'entrer dans la cabane.

 

 

Avec un grincement, la porte s'ouvre sur ce qui fut notre refuge « presque » secret. J'ai comme l'impression d'entendre encore les rires de Capucine, et le grincement du hamac sous le poids de Peter. Je vois Thilas et Liam assis dans le canapé, un verre de soda à la main, quand ce n'était pas de la bière. Et au fond, près de a fenêtre, Lena qui me faisait signe, un cigarette à la main. Cet endroit est trop plein de souvenir impérissables et je reste un instant sur le seuil, perdue, me demandant si j'ai encore le droit d'entrer où si je devrais laisser l'endroit ainsi.

 

 

 

J'entre finalement à l'intérieur et referme la porte. Je me laisse glisser jusqu'au plancher et observe la cabane depuis ici. Je retrouve la même vision que quand j'avais 5 à peine, à l'époque où je ne connaissais que Liam et Capucine. Je clos mes paupières et essaie de penser aux couleurs. Aux couleurs du ciel, au jeu de lumière, à l'ombre, aux nuages et à la lune. J'aime la lune. Plus que le soleil. Peut-être parce qu'elle, je peux la regarder aussi aisément que je le veux. Je me lève et m'approche de la lucarne. Ce soir, elle est d'un blanc pur, et nul nuage ne la gêne. Je l'observe briller de mille feux dans toute sa splendeur nocturne. Elle m'apaise et me détends.

 

 

Une ombre passe dans sa lumière, trop sombre pour être un simple nuage. La forme s'étend, d'un gris sombre, avant de remplir tout l'espace du ciel. Au loin, un cri aigu perce le silence. Je sursaute et me dirige vers la fenêtre face sud. Elle est un peu sale, mais, au travers, je vois le carnage.

 

 

Ma maison est en flammes. Le feu la dévore de tout part, montant toujours plus haut. Même d'ici, je sens la chaleur qu'il dégage. Des silhouettes glissent comme des ombres autour de l'incendie, y lançant parfois des objets qui font enfler le feu. Les flammes grattent le ciel et l'emplissent de leurs couleurs chaudes et chatoyantes. Je suis à la fois horrifiée et hypnotisée par ce spectacle.

 

 

 

Jusqu'à ce qu'un cri perce ma contemplation et le silence. Il me sort de ma torpeur, et mes yeux se révulsent. C'est ma maison. Ma maison qui brûle. Et mes parents qui sont à l'intérieur.

 

 

Je tombe à genoux ; Je n'ai aucun moyen de les sortir de là. J'ai laissé mon portable dans les flammes, et je n'ai rien pour contacter les secours. Je ne peux que rester impuissante face à ce désastre. Un cri s'échappe de ma gorge, fuyant mon corps. Il cours dans la cabane et s'en échappe. Il fuit au travers de la fenêtre et disparaît dans le lointain.

 

 

Qui sont ces gens ? Que me veulent-t-ils ? En veut-il à moi, ma famille ou mes amis ? S'agit-t-il d'une vengeance ? J'ai beau chercher, je ne vois pas ce que j'aurai pu faire pour provoquer la colère de ces gens. Quand j'essaie de les reconnaître, je ne les trouve pas. Ils se sont envolés.

 

 

J'essaie d'ouvrir la porte, mais elle est verrouillée de l'extérieur. Je suis coincée ici. La fenêtre est trop rouillée pour s'ouvrir et la lucarne est trop haute. Il faudrait que je trouve quelque chose pour y grimper, mais la stabilité du hamac laisse à désirer.

 

 

Une ombre passe sur la fenêtre. Quand je regarde à nouveau, deux yeux rouges me fixent, puis disparaisse. Je commence à trembler. J'entends une sorte d'hurlement, puis quelque chose qui tombe contre la porte. Aussitôt, celle-ci commence à s'enflammer. Je crie et m'en éloigne, mais d'autres explosifs tombent sur les murs en bois. Je suis cernée par les flammes, impuissante.

 

 

Il n'y a plus aucune échappatoire, plus aucune sortie. Les flammes dévorent tout, et je le sens déjà sur mon corps. La chaleur est intense, et je me recroqueville au sol. En essayant de laisser le moins d'espace possible aux flammes, je prie tout bas pour que quelqu'un appelle les pompiers. Il y a peu de chance que cela arrive, je le sais, mais prier m'empêche de penser à l'incendie.

 

 

 

J'entends le monde s'effondrer autour de moi. Je crie, de plus en plus fort, sans m'arrêter. Le feu s'attaque en premier à ma jambe, puis je le sens glisser le long de mes vêtements. Je me débats, incapable de résister à cette chaleur.

 

 

Soudain, je ressens une brûlure au niveau du cou. En ouvrant mes yeux, j'aperçois une grande lumière au centre de cette fumée. Je clos mes paupières et m'enfonce dans les abysses de la nuit...

 

 

 

 


15/04/2015
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